Un homme politique ne dit jamais « français » ni « citoyens », il dit « françaises et français » ou « citoyennes et citoyens ». Notre langue possède cette magie du genre qui permet une rapide identification de l’auteur d’un discours. Cependant, ce détail ne permet pas de discerner si cet humain (mâle ou femelle) est en campagne électorale. Le mot qui donne assurément la réponse à cette interrogation est « rassembler ». Ce mot surgit toujours dès les premières secondes d’un discours ou interview. Ces politi (ciennes et ciens) ont l’obsession d’un rassemblement dont ils sont à la fois cible et vecteur : vers eux et par eux. Ce leitmotiv entonne et surpasse tous les programmes et toutes les idéologies. C’est d’ailleurs le sentiment profond d’avoir cette faculté de rassembleur qui a motivé leur candidature. Leur seule véritable idéologie est celle du rassemblement et aucun programme ne pourra se décliner sans ce prérequis.
Cette logique implacable dissimule pourtant un problème de taille. Ces adeptes du rassemblement ont généralement commencé leur carrière de rassembleur en trahissant leur propre camp. Leur prédisposition à désassembler le groupe qui a donné un premier essor à leur carrière est supposée être le garant de leur capacité à rassembler. Pour ceux qui ne suivent pas, disons plus simplement que le deuxième essor d’une carrière politique commence par une action contre-productive en termes de rassemblement. Pour ceux qui peinent encore à suivre, résumons ainsi : plus il y a de rassembleurs, moins il y a de rassemblement.
Dans un pays comme le nôtre où le multipartisme est intangible, cela se traduit par une augmentation progressive du nombre de partis et de candidats à chaque élection. Nous sommes passés de 5 à 6 au début de la cinquième république, à plus d’une trentaine aujourd’hui.
Mais que vient faire cette diatribe dans une chronique médicale ?
Constater une augmentation de l’incidence des partis politiques n’est pas vraiment de l’épidémiologie médicale. Même si la sociologie prend une part croissante dans les causes de troubles et souffrances individuelles, inversement, ce bouillonnement partisan pourrait avoir quelque vertu thérapeutique pour les rassembleurs et leurs adeptes en instance de rassemblement. Les ONG ont aussi ce pouvoir de bénéficier à leurs attributaires et à leurs attributeurs, mais elles sont très rarement initiées par une trahison.
Dans une époque où la médecine étend sans vergogne son emprise sur tous les troubles psychosociaux, ma chronique pourrait être pernicieusement médicale en proposant de rajouter un nouveau trouble mental aux plus de 500 que compte déjà le DSM, manuel de référence de la psychiatrie académique.
Ce pourrait être, par exemple, le trouble dissociatif politique (TDP). Le point commun des divers troubles dissociatifs est un biais de perception de l’identité. Le TDP consisterait alors à se percevoir rassembleur sur sa faculté à désassembler.