Pasteur avait qualifié le vin de boisson saine et hygiénique. Nul n’oserait suspecter Pasteur de conflit d’intérêts au prétexte qu’il possédait une vigne. Dans les années 1980, une baisse de la consommation du vin a conduit à diverses publications dont la plus connue est le fameux « french paradox » : les français, malgré la bonne chère et le foie gras ont une faible mortalité cardio-vasculaire qui serait due aux effets bénéfiques des antioxydants du vin rouge. D’autres études ont montré des bénéfices contre le cancer du poumon, la maladie d’Alzheimer, le stress et autres misères de la vie, faisant bondir les ventes outre-Atlantique. Puis le slogan des « trois verres » a suivi, sans vraiment préciser s’il fallait les atteindre ou ne pas les dépasser.
Pasteur, dans sa défense de l’aspect culturel du vin, les aurait-il approuvées en apprenant leur financement par des viticulteurs bordelais ? Qui peut savoir ? Aujourd’hui l’alcool, sous toutes ses formes est pointé comme l’un des plus gros fardeaux sanitaires dans 195 pays, et si notre vin garde sagement sa place culturelle, il a perdu sa place médicale.
Certains scientifiques ont prêté leur nom à une cause commerciale de façon plus fallacieuse. Le grand généticien Ronald Fisher suggéra que ce n’était pas le tabac qui provoquait le cancer du poumon, mais l’inflammation des bronches, due à un cancer débutant, qui provoquait l’envie de fumer. Ses liens très concrets avec l’industrie du tabac ont été découverts plus tard. D’autres l’ont suivi, car les industriels du tabac ont les moyens de la pêche aux « gros poissons », ces leaders d’opinion dont le prix est aussi élevé que leur renommée. Ce type de marketing est tellement efficace que la discrétion n’est même plus nécessaire, comme le confirment les propos de notre plus éminent cancérologue français sur les vertus du tabac chauffé. Les menaces sur le chiffre d’affaire des cigarettes imposent que leur substitut soit d’emblée immaculé.
Les études démontrant que sauter le petit déjeuner du matin est néfaste pour la santé et majore le risque d’obésité, ont été financées par Kellogg’s. Le financeur n’est pas toujours aussi facile à dénicher.
Les grands champions de l’insidieux sont ceux qui ont déclaré que 65 % des cancers sont simplement dus à la malchance, leur étude parue dans Science a été très médiatisée. Pour s’offrir un article dans Science, il faut de la rigueur, cette étude était mathématiquement parfaite, malgré sa base biologique honteusement biaisée. Il faut aussi de l’argent ou sa promesse, les auteurs possèdent une start-up sur la « biopsie liquide », méthode de dépistage précoce des cancers dans le sang. L’avenir est prometteur, surtout si l’on est convaincu que les cancers sont essentiellement dus à la malchance. Lorsqu’une étude est mirobolante et très médiatisée, avant de s’évertuer sur ses biais, il faut d’abord trouver le financeur, c’est difficile ; il faudrait aussi lever le secret bancaire en Suisse, c’est impossible.