Nos enfants voient beaucoup de morts à la télévision, mais ils n’en voient plus dans le lit de leurs aïeux. Seuls 27% des Français meurent à la maison. Les autres meurent en EHPAD (13%), en clinique privée (8%), et surtout à l’hôpital public (52%). L’État est régulièrement lapidé, mais c’est à lui que l’on délègue l’intimité de la mort.
La prise en charge de la mort n’a jamais été une mission explicite de l’hôpital. Ces temples de la science biomédicale accueillent des agonies dont l’évidence ne nécessite aucune autre expertise que celle de la compassion. 20% de ces morts hospitalières ont lieu moins de 24 heures après l’admission, souvent dans le couloir des urgences. La durée moyenne de fin de vie à l’hôpital est d’un mois, dont moins de 20% en soins palliatifs. Le concept de palliatif est refusé, car il exhibe notre finitude. On préfère exposer les chromes de l’urgence : 25% des morts hospitalières et 35% des morts en CHU ont lieu dans un service de réanimation. Viroses respiratoires ou autres, 80% des maladies infectieuses meurent à l’hôpital. Nos grands progrès en ce domaine n’ont pas réussi à entamer la suprématie apocalyptique des maladies infectieuses. Le cancer suit de près avec 72% de morts à l’hôpital : ici inversement, malgré la médiocrité de ses progrès, la médecine a réussi à convaincre que l’on ne devait plus en mourir.
Pourtant, les enquêtes révèlent que la grande majorité de nos concitoyens ne souhaitent pas mourir à l’hôpital, (réponses possiblement biaisées par le fait qu’ils ne souhaitent pas mourir ailleurs non plus) ! Le plus pittoresque, si j’ose, est la gestion de cette mascarade imposée. Le nombre moyen de médicaments consommés en ces fins de vie est de 24. Un patient sur 6 en reçoit plus de 35 chaque jour ! Dont une grande partie n’a évidemment aucun intérêt pour augmenter la quantité/qualité de vie. Pire, les traitements hospitaliers sont souvent plus agressifs et moins compatibles avec une mort paisible. Le plus surprenant est que lors d’une hospitalisation imputée à un excès de médicaments, il arrive souvent que le patient ressorte avec une ordonnance plus chargée que celle de l’entrée. Tout se passe comme si l’hôpital, débordé par l’évolution de nos mentalités, n’avait plus de liberté cognitive.
La mort infectieuse étant devenue inacceptable à tout âge, les viroses saisonnières encombrent la réanimation respiratoire. Si les insuffisances rénales terminales devenaient inacceptables à leur tour, nous n’aurions jamais assez de lits de dialyse.
Voilà de belles polémiques en perspective, qui nous empêcheront de voir que les budgets se sont progressivement détournés vers la gestion de l’ingérable, en ayant négligé l’indispensable protection maternelle et infantile.
Le traitement optimal de nos aïeux est un subtil mélange de respect d’affection de palliatif et de compassion. Réservons les budgets à l’utérus et la petite enfance, car c’est là que se dessinent tous les risques qui empêchent d’atteindre de grands âges.
Je suis une personne très âgée. Je ne crains pas de mourir. Je crains plutôt l’acharnement thérapeutique. Le seul souhait que j’ai, c’est en effet de mourir, si possible chez moi, mais surtout que je sois libre d’en décider le moment et qu’un médecin m’aide à partir sans risquer aucune poursuite. Nous sommes nombreux à le souhaiter. La France est très en retard.
Merci pour cette humeur médicale qui fait écho en moi.
Mon époux est en phase terminale de l’évolution d’un cancer dépisté et bien traité depuis 1998. Il a 90 ans. Nous avons choisi un maintien à domicile. C’est difficile assez souvent mais c’est aussi une chance de pouvoir continuer à parler, à échanger et à partager.Je suis son médecin traitant et dans l’indécision j’ai de fidèles confrères qui m’apportent leur éclairage. Je ne demande plus d’examens ni de bilans biologiques que nous estimons inutiles et qui nous faisaient mal.
Problème: le traitement de la douleur, si elle échappe aux Tts qui sont à
disposition. Une fin de vie dans lune petite sérénité..
Bonjour,
Dans ma famille, on meurt parfois encore à la maison et/ou on y conserve le corps jusqu’à l’inhumation, ce qui bien sûr plus facile à la campagne qu’en ville. Cela permet de se confronter à la réalité de la disparition, d’avoir le temps de prendre congé de la personne morte.
Malgré tout, comment ne pas avoir peur de la mort, quand on n’a plus aucune occasion de voir des personnes mortes, de les veiller, de leur parler, de les toucher? Comment revenir à un autre rapport à la mort sans cela, cela me paraît bien difficile?
L’hôpital, comme vous le décrivez, est sans doute un dernier lieu pour mourir dans le calme, mais que faire pour que nous réapprenions à intégrer la mort dans notre vie quotidienne?
la mort, comme la Vie, n’est-elle que biologique? Si oui, bienvenue à la médecine transhumaniste. Si non, si elle est aussi relationnelle et spirituelle, que signifie être médecin?
Propos très justes avec lesquels je suis tout à fait en accord.
Merci pour ce billet d’humeur parfaitement justifié ! Les rapprochements sont bien vus et les exemples édifiants . J’espère que l’expérience Covid va faire réfléchir dans les Congrès de réanimation . Les chiffres fiables ne sont pas encore disponibles mais 40 % de décès sous ventilation assistée parait probable. L’histoire de la ventilation artificielle est trop oubliée : dans les années 20 la ventilation des malades atteint de poliomyélite a été remarquablement efficace parce que les poumons étaient sains . Petit à petit on a ventilé des poumons de plus en plus détériorés pour arriver dans Les années 80 à ventiler des détresses respiratoires avec 50 % de mortalité . Du temps à été nécessaire pour comprendre que le ventilateur était traumatisant en lui même ( volotrauma / barotrauma ) et l’arrivée du scanner a permis mieux maîtriser les choses et de faire baisser la mortalité . Actuellement il faudra se poser les mêmes questions et revoir avec le recul ( en tenant compte des sequelles ) quelles sont les indications réelles de ce traitement ( bénéfices / risques comme pour un médicament ) dans les atteintes pulmonaires et cardiovasculaires graves de la Covid et qui ne seront pas les dernières probablement.
Au delà de ces considérations techniques il faut en effet réfléchir à la place des services de soins palliatifs dans les CHU et les hôpitaux en général avec des agonies prolongées souvent bien inutiles . La fin de vie à domicile serait beaucoup plus logique mais pour cela il faudrait faire beaucoup plus confiance aux médecins libéraux qui connaissent bien leurs patients et leurs familles . C’est un problème de société que la grande majorite des français aimerait voir enfin débattue …Pr Josette Dall’ava . Retraitée
PMI se transforme en Uterus et petite enfance ? C’est une blague ?
je partage totalement votre avis, dans le monde personne ne veut accepter la mort et pourtant elle est inéluctable.
Le plus pittoresque, si j’ose, est la gestion de cette mascarade imposée…… dites vous ? je suis révoltée ….. j’en avais bien un peu l’impression, mais je n’osais pas le croire, je ne suis pas du milieu médical et n’ai aucune connaissance en la matière ….. mais quand on voit le comportement de certains médecins et le gâchis de médicaments ….. je suis écoeurée …. Je redoute de m’adresser à la médecine, plus aucune confiance …..
Merci pour ce message ….
Une question : comment en est-on arrivé là ?
réponse à geneviéve molinier: on a tous perdu notre bon sens, notre sens critique et parce que les médecins ont peur d’être trainé au tribunal par une société exigeante, de moins en moins intelligente et de moins en moins humaine: le mort doit disparaître vite, qu’on puisse passer à autre chose…et les patients aussi le réclament sentant qu’ils sont un poids pour leur famille occupée…c’est notre mode de vie qui a engendré tout cela