Diagnostics au supermarché

Il est facile de critiquer big pharma qui fait des profits parfois indécents sur le dos des malades. Il est moins aisé de comprendre comment cette industrie a manipulé le concept même de maladie pour gagner le marché des bien-portants, plus lucratif que celui des malades dont le défaut commercial est de mourir ou de guérir trop rapidement.

Certaines de leurs manipulations trop grossières étant désormais décelées, les firmes doivent s’adapter et se diversifier. En ce sens, le marché du diagnostic se révèle encore plus prometteur que celui du médicament. Proposer un test diagnostique ou prédictif présente le double avantage de s’adresser à tous et de ne pas avoir à supporter la gestion juridique des effets indésirables des médicaments.

Tous les signaux indiquent que ce marché est attrayant, car beaucoup de nos semblables sont avides de divination pronostique. Plus de 50 millions de personnes ont déjà succombé aux divers profilages génétiques proposés par les géants du net.  

Une firme a proposé un test susceptible de déceler une seule cellule tumorale dans 10 ml de sang. Une autre a proposé un panel de plusieurs analyses, allant du simple cholestérol jusqu’à des tests ADN, sur une simple goutte de sang, comme le font déjà les diabétiques pour surveiller leur glycémie. 

Certains vont jusqu’à proposer la vente de ces tests dans les supermarchés : on chercherait alors un cancer potentiel ou son absence en allant faire ses courses.

Les autorités ont rapidement réagi à ces propositions dont la plupart n’ont aucune validité démontrée. Et, même si les résultats devenaient plus fiables, on ignore les conséquences comportementales sur des personnes n’ayant pas les connaissances appropriées pour les interpréter. Sans compter le stress occasionné par des résultats pathologiques réels ou supposés.

Les autorités ont donc réagi avec la précaution qui s’impose face à ces innovations exaltées, en attente des preuves de leur utilité pour la santé individuelle et publique. Pourtant ce marché continuera à prospérer en l’absence de toute preuve, car dans le domaine de la santé virtuelle, l’avidité de la demande dépasse curieusement l’abondance de l’offre.

On pourrait en effet penser que ceux qui veulent connaître obsessionnellement leurs risques d’être malade et de mourir, le font pour adapter leur mode de vie à la quête d’une longévité chimérique. Il n’en est rien. Les études en ce domaine montrent que la découverte d’un risque n’a aucun impact sur les conduites qui majorent ce risque. Un risque plus élevé de cancer ou de maladie cardio-vasculaire ne modifie ni les dépistages ni l’hygiène de vie.

Ainsi la demande de diagnostics et de pronostics est dépourvue de toute logique, les marchands ont bien compris que pour la faire prospérer, il faut faire des offres qui se dispensent de preuves et ne fournissent aucune logique.

Références

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