Les drogues sont un sujet politique rare et sporadique. Il n’est traité que lorsqu’il suscite un débat de type binaire, comme les chérissent beaucoup de zappeurs et débatteurs. Les drogués sont-ils de vilains jouisseurs ou de fragiles victimes ? Faut-il les punir ou les aider ? La salle de shoot étant devenu le lieu ultime d’affrontements entre les outrances pénalistes et caritatives. Bref, les drogués sont-ils, comme les immigrés, les fonctionnaires, ou les financiers, la cause ou la conséquence des turpitudes de l’Histoire.
Un raisonnement dichotomique oppose les drogues licites et illicites, thérapeutiques et récréatives, dures et douces (c’est-à-dire rapidement addictive ou non), enfin, selon qu’elles induisent ou non des comportements risqués et antisociaux.
Mais, très vite, l’observation des faits conduit à interrompre tout raisonnement de type binaire.
L’alcool, qui fait partie des drogues les plus dures, et les plus inductrices de comportements risqués et antisociaux, est aussi la plus licite, la plus accessible et la plus répandue.
Les opioïdes (morphine, héroïne) qui sont les plus rapidement addictives, les plus antisociales et les plus toxiques, sont prescrite avec un grand laxisme d’indications par les médecins, ceux-là même qui sont en charge de la prévention et du traitement des addictions.
Les benzodiazépines qui sont assez toxiques et très rapidement addictives, sont distribuées avec une légèreté déconcertante et remboursées par la sécurité sociale.
Le cannabis, essentiellement récréatif, est illicite malgré son niveau de risque en deçà des précédents.
Les amphétamines, ont été longtemps prescrites et remboursées, elles ont même été judicieusement masquées jusqu’à la récente mésaventure du Mediator.
Les antidépresseurs, inducteurs de suicides, d’addictions relativement rapides, restent abondamment prescrits et remboursés malgré leur échec thérapeutique quasi constant.
Occasion de rappeler ici que dans toutes les civilisations les drogues récréatives et thérapeutiques étaient clairement dissociées. Curieusement, la médecine est devenue, de loin, la première pourvoyeuse d’addictions. Ce commerce lucratif nous fait oublier que dans la plupart des troubles psychologiques et des pathologies psychiatriques (hors psychoses), les thérapies comportementales sont largement supérieures aux diverses drogues licites et remboursées.
Il apparaît que la définition des drogues et leur acception publique demeurent bien vagues. Devant la difficulté d’être binaire, soyons le sans pondération, le seul véritable problème des drogues n’est pas celui de leur caractère licite ou illicite, de leur dangerosité, de leur dureté, ou de leur asocialité, il est peut-être essentiellement celui de leur remboursement…
Il n’existe que deux types de drogues, celles qui sont remboursées et celles qui ne le sont pas.
Je suis surpris et irrité de votre affirmation de laxisme de prescription des opioïdes par les professionnels de l’addictologie. De quoi parlez vous ? s’agit il des traitements de substitutions (buprenorphine, methadone) ? Vous mettez en cause l’intégrité et les compétences de vos collègues.
Qu’est ce qui vous permet de tenir de tels propos ?
Bonsoir,
Ce texte met en cause la prodigieuse augmentation des addictions aux opioïdes depuis leur promotion et l’extension de leur indications médicales dans les années 1980. Il ne s’agit donc pas de la buprénorphine et de la méthadone qui ont pour but inverse de soigner ces addictions.
Aucun confrère particulier n’est visé, c’est l’ensemble d’un système de promotion qui a duré des décennies avant que l’on ne découvre l’ampleur du phénomène et que l’université et les ministères ne commencent à s’alarmer.
Nous sommes donc tous coupables. Mais la grande culpabilité actuelle serait de ne pas prendre conscience de l’ampleur de ces nouvelles addictions iatrogènes.
Un lien vers les références bibliographiques se trouve en fin de chronique
Cordialement
Je vous remercie de votre réponse qui clarifie votre propos.
Les addictions aux opiacés ou apprentés à la suite d’une prescription, en particuliers pour traitement de la douleur, sans respect des indications ont en effet explosées.
Le phénomène est particulièrement important aux états unis ou c’est devenu une question de santé publique majeure. Le décès du chanteur Prince en est un exemple connu.
En France cette question reste étrangement peu étudiée. Les malades devenus dépendants des opiacés attendent longtemps avant que leurs difficultés soient diagnostiquées et traitées correctement quand elles le sont. Nous maquons cruellement de chiffres pour mesurer l’ampleur du phénomène.
L’utilisation de la substitution (méthadone et buprénorphie) est sans doute une réponse adaptée pour aider ces malades. cependant, l’assimilation de ces produits à la toxicomanie criminalisée par la loi de prohibition de 1970 renvoie à des images inacceptables pour ces patients qui refusent ces traitements.
Bonjour, je suis médecin généraliste en activité et heurtée par le passage sur les antidépresseurs… « inducteurs de suicides »??, « addiction rapide »??, « échec thérapeutique quasi constant »??. Ce n’est pas le sentiment que j’ai dans ma pratique clinique. Je me sens un peu accusée de mauvaises pratiques en lisant ce passage…
Votre interrogation vous honore.
Je ne puis que vous encourager à consulter la bibliographie à la fin des articles suivants :
http://lucperino.com/492/recyclage-des-antidepresseurs.html
http://lucperino.com/470/eacute-pidemies-de-suicide.html
http://lucperino.com/359/pharmacologie-du-suicide.html
http://lucperino.com/153/allume-feu.html
Et surtout une abondante bibliographie vierge de conflits d’intérêts dans l’excellent livre de Peter Gotzsche : « Psychiatrie mortelle et déni organisé »