Lorsque l’on parle de taux de survie en cancérologie, c’est une erreur de mélanger les cancers cliniques ou diagnostiqués avec les cancers précliniques ou dépistés. Ces deux types de cancers n’ont rien de commun pour au moins une raison majeure, c’est que personne ne peut, aujourd’hui, connaître le devenir clinique des cancers dépistés ou précliniques. Il est fort probable que certains deviendront cliniques, métastatiques ou mortels, et il est tout aussi probable que d’autres ne deviendront jamais cliniques, ni, a fortiori, métastatiques ou mortels. Cette inconnue clinique transforme en erreur grossière le fait de les prendre en bloc comme objet statistique.
Une première évidence de cette erreur conceptuelle apparait bien dans les chiffres de survie cités. Les meilleurs survies sont celles des cancers généralement dépistés (sein, prostate) et les moins bonnes, celles des cancers diagnostiqués (foie, poumon, pancréas). Prendre cette assertion pour preuve du contraire en disant que leur survie a été meilleure, car ils ont été dépistés, ne relèverait plus seulement de l’erreur statistique, mais d’un amalgame entre médecine (rigoureuse) basée sur les preuves et médecine (approximative) basée sur un principe de précaution fort mal étayé. Nous avons déjà la certitude que de nombreux cancers de la prostate ne deviennent jamais cliniques, et il en très probablement de même pour le sein. Si nous arrivons un jour à dépister chacune des cellules cancéreuses de l’organisme, la survie à cinq ans de tous les cancers sera certainement de 100% !
Entretenir cette confusion comporte un risque sanitaire de contre-productivité, en débridant le soin et le dépistage de masse aux dépens d’une recherche fondamentale sur la potentialité clinique des cellules cancéreuses et le dépistage très individualisé
En médecine, le principe de précaution est tout à fait respectable, même s’il s’appuie parfois abusivement sur le marché de l’angoisse, cependant, il doit se maintenir à sa place de principe de précaution sans prétendre à une vérité épidémiologique.