L’actualité nous oblige à constater que la finance américaine dirige toute la finance mondiale puisque le collapsus d’une seule banque de New York semble pouvoir ébranler durablement non seulement la finance virtuelle du monde mais aussi son économie réelle.
Force est de le constater également, en matière de médecine, toute information en provenance des Etats-Unis impose un respect immédiat à notre communauté scientifique avant même d’avoir été lue. Il suffit de prononcer des bribes de phrase telles que « une étude américaine le démontre… », « c’est publié sur le JAMA… » pour qu’un garde à vous moral accompagne les mots qui suivront.
Il me paraît assez logique que les économistes et financiers scrutent les éternuement de l’Oncle Sam, car, nul n’en peut douter, ce pays reste bien la première puissance économique mondiale avec le meilleur PIB par habitant de tous les pays (exception faite du Luxembourg et de quelques autres paradis artificiels.)
En ce qui concerne la médecine, notre admiration me paraît plus étonnante, car tous les indicateurs sanitaires placent les Etats-Unis à une place très modeste dans les classements mondiaux. Pour les deux plus importants : la mortalité infantile et l’espérance de vie à la naissance, les Etats-Unis n’arrivent respectivement qu’à la 40ème et 45ème place, et à l’avenant pour les autres indicateurs.
Que faut-il conclure de cet étonnant paradoxe ? Ma naïveté intellectuelle, déjà fortement ébranlée par le fait de l’avoir relevé, m’interdit bien de tirer une quelconque conclusion. Je peux tout au plus me permettre de suggérer timidement quelques pistes parmi lesquelles chacun pourra choisir celle qui lui convient :
– La pertinence intellectuelle des publications a peu d’impact sur la pratique médicale.
– La masse financière du marché de la santé est sans relation avec les indicateurs de santé publique.
– Le niveau de santé d’une population dépend moins de la médecine que de l’action sociale
– Au-delà d’un certain niveau de richesse d’un pays, le bonheur sanitaire individuel de ses habitants décroît.
– La médecine basée sur les preuves et ses comités de lecture ont perdu le contact avec la réalité du terrain.
– Les praticiens et leurs universitaires, en tant qu’hommes, ne sont pas moins que les autres attirés par ce qui brille.
La liste est certainement bien plus longue. Chacune de ses assertions est grossière et contestable. Il n’y a qu’en terme de médecine basée sur les preuves qu’elles peuvent redevenir toutes pertinentes, puisque cette médecine là est basée sur les chiffres, et c’est bien exclusivement de chiffres dont j’ai voulu parler ici.
Luc Perino