Vues de fièvres

20 février 2012

Les patients n’aiment pas la fièvre, symptôme inconfortable et confirmation de leur fragilité passagère ou plus durable.

Les parents redoutent la fièvre de leurs jeunes enfants, possiblement prémonitoire de la terrible méningite ou des diaboliques convulsions.

La société productiviste ne l’aime pas, car elle limite la négociation autour des arrêts de travail.

Les industries de la santé la respectent en tant qu’important levier de l’angoisse dont ils savent qu’aucun marché ne peut exister sans elle. Le profit immédiat du paracetamol ou celui, différé, des anti-inflammatoires qui font le lit des insuffisances cardiaques et rénales, sont négligeables en comparaison.

Les ministères publics la redoutent et la chérissent à la fois. Terrible lorsqu’elle sert de base à la modélisation des plus redoutables épidémies. Intéressante, par la vitrine médiatique qu’offre le débat des spéculations et contre-spéculations apocalyptiques. Alliée, par l’éventail démagogique que procure la fièvre de masse, inversement à la fébrilité des peuples qui contraint à l’autorité.

Quant aux médecins, leur position est ambigüe devant la fièvre. Premier symptôme facilement accessible et rarement trompeur, il élimine quasi systématiquement la sempiternelle interrogation préalable du psychosomatique. Il y a certitude d’infection ou d’inflammation quelque-part dans cet inectricable fouillis de fonctions et d’organes. La fièvre ne vient manifestement pas de ces fameux « nerfs » qui empoisonnent la relation médecin-patient. (Sauf exception bien évidemment !) Enfin, si la fièvre est une considérable source de profit qu’aucun praticien ne néglige totalement, elle est aussi l’un des principaux motifs d’appels nocturnes ou dominicaux dont la plupart se passeraient volontiers.

Les épidémiologistes sont sereins. Ils savent que les convulsions fébriles ne sont jamais graves et n’ont aucune relation avec une épilepsie future. Les rarissimes qui sont graves d’emblée ne sont alors pas dues à la seule fièvre. Voilà de quoi rassurer tous les parents

Gardons l’avis des biologistes pour la fin, c’est le plus avisé. Ils sont apparemment les seuls à savoir que la fièvre est un cadeau de l’évolution. Il faut la respecter et bien la surveiller. Elle rend la vie difficile aux microbes et autres germes envahisseurs. Elle oblige au repos, à la diète et à l’hydratation, thérapeutiques millénaires éprouvées et dépourvues d’effet secondaires.

Nous avons encore oublié l’avis du clinicien. Mais me direz-vous, n’est-ce pas le médecin praticien dont vous avez déjà parlé ? En effet, ils peuvent se ressembler, mais le clinicien est beaucoup plus ringard, il veut que la fièvre soit prise avec un vrai thermomètre et notée matin et soir sur un bout de vrai papier avec un vrai crayon. Il ne zappe pas entre fièvre évoquée, analyse et imagerie.

Disserter sur la fièvre est une bonne chose, mais encore faut-il qu’elle soit prise et qu’elle existe.

Code noir et espérance de vie.

1 février 2012

Élaboré en 1665 par Colbert, le code noir de Louis XIV établissait le cadre législatif de l’esclavage.
Tous les esclaves de nos îles devaient être baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. Fanatisme ou magnanimité, la religion la meilleure pour les blancs devait l’être aussi pour les noirs.
Mieux que la vie éternelle, le premier avantage pour les esclaves fut sanitaire, sous forme d’un jour de repos hebdomadaire, puisque leurs maîtres avaient interdiction de les faire travailler le dimanche, sous peine d’amendes. Même les « marchés de nègres » étaient interdits ce jour là.

Un autre article de la loi précisait que les maîtres devaient nourrir convenablement les enfants de leurs esclaves et donnait une liste précise des quantités hebdomadaires minimales.
Les esclaves devaient être nourris et soignés, mais un souci de prévention leur interdisait l’eau de vie de canne. Les tentatives de fuite représentaient le seul risque sanitaire supplémentaire : oreilles coupées à la première évasion, un jarret coupé à la deuxième et peine de mort à la troisième. Cette peine capitale a été préjudiciable à la science, car étudier l’élan vital de ceux qui réussissaient une évasion avec un jarret coupé, aurait été médicalement instructif.

Enfin ultime bienveillance sanitaire, les esclaves infirmes par vieillesse ou maladie devaient être nourris et entretenus par leurs maîtres qui avaient aussi le choix de les confier à l’hôpital contre six sols par jour pour le paiement de leurs soins.
Nous pouvons encore regretter qu’aucune étude de cohorte n’ait été faite pour comparer l’espérance de vie entre l’hôpital ou le domicile du maître. En effet, une telle occasion ne se représentera plus avant longtemps, tant que, grâce à la CMU, tous les pauvres seront soignés à l’hôpital comme les riches.

Cette lacune scientifique peut cependant être comblée grâce aux indicateurs sanitaires mis en place depuis l’époque de Louis XIV. Ils nous permettent de savoir quel est l’impact réel de la médecine sur les populations défavorisées. Celui-ci semble très faible, puisque plus les inégalités sociales se creusent, plus l’espérance de vie à la naissance diffère entre riches et les pauvres, et ce, malgré notre médecine sophistiquée. Aux États-Unis où sont publiées les meilleures revues médicales de la planète, l’espérance de vie globale diminue, dont celle des pauvres, très rapidement.

Ainsi, pour les esclaves vieillissants, à défaut de l’abolition de l’esclavage, le meilleur choix aurait certainement été de rester au domicile de leur maître, surtout s’ils avaient des enfants aimants – le code noir interdisait la séparation de leur famille – ou si le maître, vieillissant lui aussi, avait fini par éprouver un peu d’attachement.

Post-scriptum : nous avons, par exemple, aujourd’hui, la preuve que l’attachement a une efficacité mille fois supérieure à tous les médicaments de la maladie d’Alzheimer.

Restons obèses et pragmatiques

18 janvier 2012

L’obésité fascine l’Occident. Il ne se passe pas un jour sans un article sur l’excès de poids. Pas une semaine sans une nouvelle sociologie de l’alimentation ou sans la création d’un nouveau produit « light ». Pas un mois sans l’intervention d’un psychologue sur les troubles des conduites alimentaires. Pas un trimestre sans l’annonce de la découverte d’un nouveau gène prédisposant à l’obésité. Pas une année sans qu’un gourou nutritionniste n’annonce le régime miracle qui fera maigrir la population occidentale.

Aucun doute, les médias ont une obsession pour l’obésité et tiennent table ouverte aux sociologues, psychologues et généticiens. Lorsque ceux-ci déclinent les invitations par lassitude ou résignation, il y a toujours un charlatan de rechange pour relancer la polémique sur ce sujet majeur de santé publique. La barre se redresse alors plus ou moins brutalement en direction de la science exacte. La recherche biomédicale est abondamment financée et débouche sporadiquement sur des remèdes qui sont, sans aucune exception, inefficaces et dangereux. Comment pourrait-il en être autrement ?

Toujours dans le registre des constatations cartésiennes, l’obésité est un phénomène très récent dans l’histoire de l’humanité, du moins sous la forme épidémique qu’elle connaît aujourd’hui. Enfin, plus un pays développe d’aliments légers, d’associations de patients, de méthodes d’accompagnement, plus un pays affiche de compassion pour le drame de l’obésité, plus le phénomène s’aggrave. Étonnant, non ?

Tout physiologiste sensé et sans conflit d’intérêt, a compris depuis longtemps que la solution ne se situe pas en aval du problème, mais en amont. Malheureusement, aucun physiologiste n’a les moyens d’agir en amont du problème.

L’obésité est l’effet collatéral d’un faramineux marché dont les moteurs ne sont rien moins que l’industrie automobile, l’allaitement artificiel du nourrisson et l’industrie agro-alimentaire et sur lesquels règne en maître la télévision qui en est la fois actrice, par la sédentarité induite, et vectrice, par la promotion des autres marchés.

Puisque nulle science ni nulle politique ne saurait mettre un terme à ce marché d’amont, la seule solution qui permet d’éviter le suicide des chercheurs biomédicaux et autres physiologistes est de savoir leur faire profiter au mieux de ce fabuleux marché d’aval que procure l’obésité.

Depuis que l’homme a cessé de marcher, il ne peut plus vivre sans le marché.
Et puis, les enfants des chercheurs ont aussi le droit de regarder la télévision et de manger en excès.

Rappel de 30 000 PIP

9 janvier 2012

En parlant du problème des prothèses mammaires PIP, plusieurs journalistes ont annoncé qu’il faudrait « rappeler » 30 000 femmes. Le terme « rappeler » utilisé de cette façon a pu en choquer certains, car il nous renvoie, entre autres, au rappel de certains véhicules pour des problèmes techniques constatés sur une série déjà vendue.

Pourtant le terme est tout à fait exact, puisque le problème concerne un élément très précis du corps des patientes concernées et qu’il s’agit exclusivement de technologie. Il n’y est question ni de profil psychologique qui pourrait moduler la fragilité d’un organe, ni de prédisposition particulière qui ferait varier les conséquences de l’exposition à un virus ou à un toxique quelconque.

Non, ces femmes sont bien toutes égales devant le danger, elles sont porteuses d’une pièce défectueuse, potentiellement dangereuse à l’usage et qu’il convient de remplacer par une autre. Il n’y a donc plus rien à voir avec la médecine clinique traditionnelle ni avec l’analyse diagnostique ou l’expertise pronostique du clinicinen. Nous somme ici devant une situation innovante de l’histoire socio-sanitaire, un cas de santé publique binaire et mécaniste.

Du point de vue épistémologique on oppose volontiers la conception de l’organisme forêt à celle de l’organisme robot.

Dans la première, les ADN, protéines, cellules, tissus et organes interagissent en permanence pour moduler et atténuer toute perturbation locale à la manière d’un écosystème en équilibre. Les praticiens adeptes de cette conception sont plus attentistes.

Dans la seconde, chaque pièce défectueuse doit être immédiatement réparée ou changée pour ne pas perturber l’ensemble. Les praticiens adeptes de cette vision cybernétique sont très interventionnistes.

Evidemment, chaque médecin a une logique imposée par sa spécialté, la vision de l’infectiologue ou de l’endocrinologue est plus écosystémique et celle du chirurgien orthopédiste est plus cybernétique.

Dans la cas des prothèses PIP, la logique cybernétique est perturbée par une économie sous-jacente de type maffieux, ce qui n’est pas le cas dans l’industrie de la robotique !

Ce problème sanitaire est une nouveauté sociologique et épistémologique comme la médecine marchande sait nous en gratifier de plus en plus souvent.

Pourra-t-on bientôt admirer trente mille forêts après avoir « rappelé » trente mille robots ?

Êtes-vous siglophone ?

14 décembre 2011

“Les trois qualités d’un mot sont d’être nécessaire, intelligible et sonore”. Voltaire voulait probablement  mettre en garde les fabricants de néologismes contre l’opacité de la science ou de l’administration qu’ils prétendent servir ?

Dans le monde socio-sanitaire, les néologismes sont rarement des mots irréversibles, on leur préfère des sigles dont le caractère précaire est plus conforme à la réalité.

Pour leur PRS, les ARS n’auront plus à consulter les URML qui ont disparu, mais les URPS et les FRPS. Le SROS devra tenir compte de la loi HPST, assurer la PDS et la CDS et susciter des CESP.  Le PMSI, le SNIIRAM, les CRUQS et le RPPS seront des outils utiles. En cas d’accident, l’AVIAM et les CRPV sont maintenus.

Je rassure ceux qui n’ont pas tout compris, la durée de vie d’un sigle est généralement inférieure au temps qu’il faut pour l’intégrer dans la réalité pratique et cognitive.

Pendant ce temps, sur le terrain du soin, les sciences biomédicales et l’empathie assurent l’essentiel de l’intelligibilité. Méfions-nous cependant que le sigle ne vienne à son tour précariser la santé elle-même. Tous les sigles n’ont pas la nécessité, l’intelligibilité et la sonorité du SIDA. Certes les DTT guérissent les OSM et les HBPM préviennent les MTEV après PTH, mais le traitement du TDAH est suspect et celui du SAOS reste délicat, même par PPC. Le sigle anglo-saxon n’arrange rien, car la CPAP est aussi contraignante que la PPC. Peu importe, il faut désormais être siglophone et anglophone pour conserver l’apparence et mériter l’officialité.

Ceux qui pensent encore que NTM est une insulte de banlieue ou un groupe de hard rock sont de piètres siglophones, en réalité il s’agit des métastases sur le trajet de l’aiguille de biopsie. Certains vont même jusqu’à nier l’existence de ces NTM. Pourtant, je vous l’ai toujours dit, le dépistage des cancers est parfois dangereux.

Glossaire

PRS : projet régional de santé

ARS : agence régionale de santé

URML : union régionale des médecins libéraux

URPS : union régionale des professionnels de santé

FRPS : fédération régionale des professionnel de santé

SROS : schéma régional d’organisation des soins

HPST : loi hopital patients santé territoire

PDS : permanence des soins

CDS : continuité des soins

CESP : contrat d’engagement de service public

PMSI : programme de médicalisation du système d’information

SNIIRAM : Système National d’Informations Inter régimes de l’Assurance Maladie

CRUQS : commission de relation avec les usagers pour la qualité des soins dans les hôpitaux.

RPPS : répertoire partagé des professions de santé

AVIAM : association d’aide aux victimes d’accidents médicaux

CRPV : centre régional de pharmacovigilance

DTT : drain trans tympanique

OSM : otite séro-muqueuse

HBPM : héparines de bas poids moléculaire

MTEV maladie thrombo-embolique veineuse

PTH prothèse de hanche

TDAH : trouble déficit de l’attention hyperactivité

SAOS : syndrome d’apnée obstructive du sommeil

PPC : Pression positive continue

CPAP : Continuous positive air pressure

NTM : Needle track metastasis (anciennement : nique ta mère)

Bientôt la post-clinique

5 décembre 2011

La science clinique, expertise au chevet (klinê) du malade, est en fort recul depuis une cinquantaine d’années. Les deux responsables en sont, d’une part, l’invasion technologique, dont il faut reconnaître l’efficacité, et d’autre part, le nouveau concept de médecine basée sur les preuves (EBM).

La technique nous fournit la preuve par le résultat chiffré ou l’image tandis que l’essai randomisé en double aveugle contre placebo de l’EBM nous fournit la vérité statistique.

Le symptôme individuel est ainsi gommé par le verdict de la machine et la variabilité individuelle, caractéristique essentielle du vivant, est annulée par la méthode statistique. L’individu est nié par la nouvelle médecine, non pas que les nouveaux médecins aient moins d’éthique ou moins d’humanité, mais parce que cette nouvelle méthodologie impose stricto sensu la négation de l’individu.

Cela signe-t-il la fin définitive de la clinique ?

Non. Il y a, certes, un cap difficile à passer, pour les médecins, pour les patients et pour la sérénité de leurs relations. Mais après la digestion culturelle de ces nouvelles expertises, le clinicien aura appris à maîtriser et à contester la machine. La variabilité individuelle, indispensable à la survie de toute espèce, persistera évidemment. Ainsi le nouveau techno-clinicien, généraliste enfin décomplexé, réconcilié avec son patient, retrouvera l’usage du dernier mot dans les histoires cliniques singulières.

Ce sera l’ère de la « post-clinique » que tous les cliniciens attendent, sans pouvoir la nommer, depuis l’invasion paraclinique.

Même Virchow qui, en découvrant la cellule et ses pathologies, fut l’un des fondateurs de la paraclinique, attendait déjà l’ère de la post-clinique lorsqu’il disait : « Si le microscope est capable de servir la clinique, c’est à la clinique d’éclairer le microscope. »

Aujourd’hui, avec la biologie moléculaire qui devient une sous discipline de l’anatomo-pathologie, il n’existera plus un seul génome normal dans les cellules de nos dépistages.

Les anatomopathologistes, avec le secours des post-cliniciens oseront alors enfin dire à leur patient : c’est anormal, mais rassurez-vous, c’est normal.

Chasse aux arrêts maladie

20 novembre 2011

Lisez, regardez et écoutez attentivement les médias, ils en savent beaucoup plus que vous sur votre santé. Vous découvrirez ainsi qu’un cancer microscopique se cache dans chacun de vos organes et qu’il est grand temps de vous en préoccuper. Vous avez probablement une dépression dont vous ignorez l’existence et que votre médecin n’a pas su diagnostiquer, car il s’agit d’une « dépression masquée ». Les masques des dépressions sont multiples et variés, et ils peuvent aussi être eux-mêmes masqués, ce qui nécessite de grandes compétences psychiatriques pour les reconnaître.

Vous pensez que vos taux de sucre et de cholestérol sont bons ; détrompez-vous, les normes ont changé et vous êtes certainement déjà entré dans une zone à risque. Votre enfant est tombé deux fois cette semaine en apprenant à faire du vélo et il manque de vigilance à l’école maternelle, c’est assurément un hyperactif, agissez avant qu’il ne soit trop tard. Mesdames, lorsqu’il vous arrive de rabrouer votre mari qui a oublié quelque chose au supermarché, vérifiez bien où vous en êtes de votre cycle, car vous avez certainement un « syndrome dysphorique prémenstruel » qui nécessite de toute urgence un traitement antidépresseur. Messieurs n’écoutez plus ces médecins irresponsables qui sont de plus en plus nombreux à penser que le dépistage du cancer de la prostate est inutile et même dangereux, achetez un test et faites-le vous-même sans passer par un laboratoire et consultez un urologue, de préférence, hyperactif.

Vous ne savez plus où vous avez rangé vos clés, pourquoi nier avec autant de véhémence que c’est bien le début d’une maladie d’Alzheimer. Soyez raisonnable, faites un traitement puisqu’il est remboursé malgré son inefficacité reconnue. Et si vous ne comprenez pas que c’est le traitement qui est primordial et non son efficacité, c’est que votre Alzheimer est déjà bien avancé.

Chers concitoyens, vous avez peut-être aussi un psoriasis, une migraine, un trouble anxieux généralisé, une spondylarthrite ankylosante ou un trouble bipolaire, car il y en a en réalité quatre à cinq fois plus que les médecins n’en diagnostiquent. En effet, à l’instar de vos enfants, les médecins souffrent d’une baisse chronique de la vigilance, ils ne diagnostiquent plus rien. Pourquoi donc continuez-vous à aller les voir ?

Ah ! vous dites avoir encore besoin d’eux pour obtenir des arrêts maladie.

Eh oui, c’est bien là toute l’aberration de notre système, avec toutes ces maladies qui sévissent, en manque de diagnostic, l’arrêt-maladie devrait être préventif, généralisé et permanent pour compenser l’incurie des médecins.

Quand je pense que notre administration a décidé de faire la chasse aux arrêts maladie…

Allez comprendre…

Curieuse extension de l’effet placebo

10 novembre 2011

D’après les données de la science indépendante, les traitements médicamenteux actuels de la maladie d’Alzheimer n’ont aucune efficacité, sinon un léger effet transitoire qui ne change en rien le cours de cette terrible maladie. La plupart de ces médicaments ont des effets indésirables d’autant plus dommageables que le patient est dans l’incapacité cognitive de s’en plaindre !

Sur le terrain, l’expérience médicale montre que ce sont les proches du patient qui réclament les traitements et qui vérifient le bon suivi des prescriptions. Leur insistance se comprend aisément, car cette maladie est un drame réel pour l’entourage, peut-être parfois plus que pour le patient lui-même.

Cette pathologie a une particularité, devenue très rare de nos jours, qui est de répondre à une définition exclusivement clinique : aucune analyse, aucune image n’est plus pertinente pour confirmer le diagnostic que les symptômes vécus par le patients et constatés par le clinicien. Aujourd’hui, il semble que les organismes sociaux ne savent définitivement plus officialiser un diagnostic sans le secours d’une image ou d’une analyse. Ainsi, devant le vide paraclinique de la maladie d’Alzheimer, les administrations ont pris la curieuse et fâcheuse habitude de confirmer l’existence de cette maladie par la présence d’une prescription médicamenteuse.

Ainsi, même avec un diagnostic clinique certain, la sécurité sociale refuse souvent la prise en charge à 100% s’il n’y a pas de prise médicamenteuse ! Situation d’autant plus cocasse que ces médicaments sont inutiles et coûteux.

Nous connaissions depuis longtemps l’effet placebo, fort utile à nos patients, et qu’il convient de respecter comme un élément indispensable du soin. L’intérêt majeur des placebos était leur totale innocuité.

Dans le cas de la maladie d’Alzheimer nous constatons une bien étrange extension de l’effet placebo puisqu’il s’exerce désormais, non plus sur le patient, mais sur son entourage et sur les organismes sociaux. Extension d’autant plus dramatique qu’à la différence des inoffensifs placebos d’antan, celui-ci est potentiellement dangereux pour le patient.

A l’époque de la médecine basée sur les preuves, cette curieuse extension de l’effet placebo nous plonge dans une grande perplexité sur l’étrange coévolution des sciences biomédicales et des systèmes socio-sanitaires.

Saluons tout de même le génie mercatique consistant à s’appuyer sur un drame médical et social et sur l’activisme désordonné qu’il suscite pour nous faire revenir aux temps obscurs où les placebos représentaient l’essentiel de notre arsenal pharmaceutique.

Relation médecin-patient hors-sujet

26 octobre 2011

Avec la généralisation des essais randomisés dans les années 1960, la clinique a tenté d’accéder au rang de science exacte. Ensuite, l’explosion des technologies d’investigation somatique a encore plus largement contribué à cette quête d’exactitude.

Disons-le tout net, la science clinique, basée sur l’étude biostatistique de critères technologiquement mesurables, a presque réussi son pari d’entrer dans la cour des sciences dures.

L’effet collatéral de cette réussite est le recul de l’individualisation du soin. Recul dénoncé avec verve par de nombreux patients, médecins, sociologues et épistémologistes.

La relation médecin-patient est le thème de réflexion le plus souvent proposé par ces contempteurs pour atténuer cet effet secondaire des sciences biomédicales modernes.

L’idée de développer une discipline de la relation médecin-patient n’est pas mauvaise et j’y aurai volontiers souscrit si un rapide examen de ce nouvel « objet d’étude » ne m’avait conduit à une impasse pour son enseignement universitaire.

Cette relation médecin-patient se décompose aisément en quatre relations princeps issues de l’évolution biologique et sociale.

1/ la relation interindividuelle qu’il est fort difficile de formaliser tant elle repose sur des prédispositions innées. Quant à sa part acquise, elle résulte d’une suite d’essais-erreurs dont l’empirisme se prête mal au réductionnisme d’une science transmissible.

2/ La relation commerçant-client est plus triviale. Elle fonctionne assez bien et sans effort lorsque les deux acteurs ont une vision commune de la loi du marché. Son enseignement devient alors inutile.

3/ La relation d’expert à profane est la plus complexe. Ce très difficile problème de la transmission du savoir possède déjà sa discipline universitaire qui est la pédagogie. Progresser dans l’art de la vulgarisation est toujours possible. Regrettons cependant qu’aujourd’hui, en médecine, la vulgarisation s’effectue dans le sens inverse, du patient au médecin. Possible effet secondaire de la loi du marché.

4/ Enfin l’empathie ne s’apprend pas, elle est un pur produit de l’évolution des mammifères sociaux. La souffrance d’autrui déclenche une suite de comportements réflexes qui se manifestent par la compassion et des conduites d’assistance.  Il est logique de penser que l’expression phénotypique des gènes de l’altruisme et de la coopération est plus marquée chez ceux qui choisissent un métier du soin. Si cela n’était pas le cas, nous serions bien en peine, car il n’existe aucun moyen connu à ce jour pour forcer une expression phénotypique.

Puisqu’il est presqu’impossible de fonder une discipline universitaire de la relation médecin-patient, demandons-nous comment remédier à la désindividualisation du soin

La solution est de réintroduire encore plus de science exacte dans la médecine, car depuis son rêve d’exactitude des années 1960, elle s’est largement laissé déborder par ses patients son marché et sa démagogie qui sont devenus des promoteurs efficaces de l’inexactitude.

Si la médecine gagne encore en exactitude, elle s’arrêtera le plus souvent à la porte de l’individu, laissant alors libre cours à une relation humaine scientifiquement validée !

N’injuriez pas avec l’anus

22 octobre 2011

En termes évolutionnistes, l’anus est un achèvement parfait.

Chez les animaux dits « supérieurs », ce sphincter est une merveilleuse adaptation. La défécation différée est un moyen minutieusement sélectionné par la nature pour éviter la souillure des lieux de vie et de sommeil. Cela a permis d’éviter le contact avec les divers germes et miasmes qui pullulent dans les matières fécales, limitant ainsi la contagion.

Ce muscle annulaire est à la fois d’une grande puissance et d’une extrême précision. Il peut moduler son étreinte à l’envi et s’adapter en souplesse à tous les diamètres et débits défécatoires.

Une analyse microphysiologique poussée nous révèle la présence de nombreux récepteurs sensoriels très précis capables d’analyser la pression et le degré d’humidité d’un gaz, la nature liquide ou solide d’une matière. La réponse à ces stimuli est adaptée grâce à un mélange harmonieux de processus volontaires et involontaires.

Lorsqu’un automobiliste malotru croit vous insulter en évoquant verbalement ou gestuellement cet orifice à la précision quasi magique, il commet une erreur grossière.

Tenter alors de l’informer avec amabilité sur les prodiges fonctionnels de ce petit organe sera plus utile et plus pacifiste que de lui tendre l’autre joue.